Francis...

Je sais...

Je sais que je vais encore être ridicule, passer pour un pauvre type, être sujet à votre ras-le-bol et à vos railleries...

Je sais.


Il s'appelle Francis. C'est un professeur de fac.... Mon professeur...

Je l'ai connu en 1992. À l'époque, aucun enseignant n'avait eu d'estime réelle pour moi, aucun enseignant ne m'avait jamais vraiment respecté...

Dès ses premiers cours, j'ai compris que Francis n'était pas un enseignant comme les autres... Ses cours étaient passionnants. Par delà le cinéma, la littérature, Jacques Tati, Jean Cocteau, Francis a donné un véritable sens à mes études... Il a illuminé quinze années de ma vie grâce à ses cours. Ses cours que j'ai suivi sans interruption de 1992 à 1998, année au cours de laquelle j'ai soutenu sous sa direction et celle de son ami Christian un mémoire de maîtrise de 556 pages sur la réception par la critique des films de Jacques Tati.

Mémoire auquel il a décerné la mention Très Bien.


Mais Francis, c'est aussi de nombreux repas partagés dans un bistrot près de la gare de Lyon, des séjours en province où je me rendais il y a quelques années pour des colloques consacrés à Jean Cocteau... C'est une amitié forte, sans faille... C'est me sentir respecté et compris par un grand bonhomme, un intellectuel au meilleur sens du terme. C'est quelques superbes lettres qu'un jeune étudiant a eu l'honneur de recevoir de son professeur préféré, son ami, son maître... C'est près de quinze ans au cours desquels dans chaque moment dur que j'ai traversé, j'ai su que je pouvais compter sur quelqu'un, un grand monsieur qui par quelques mots très simples m'a toujours redonné du courage et de la combativité...


Oui, Francis, c'est un enseignant formidable qui a su donner un véritable sens aux études d'un jeune étudiant dépressif qui bien souvent aurait risqué de tout abandonner si cet enseignant n'avait pas été là...


Et puis, c'est un ami auquel je n'ai plus donné signe de vie pendant plusieurs mois, jusqu'au jour où je lui ai téléphoné et ai appris qu'il avait un cancer... Francis, c'est l'ami que j'ai retrouvé cette année 2006, où j'ai décidé de suivre à nouveau ses cours. Ses cours, il venait les donner chaque semaine à Paris depuis la province, un trajet en train de quatre heures l'aller et quatre heures le retour le lendemain... C'est un homme digne de ce nom, qui malgré la maladie a continué à assurer ses trois cours de deux heures chaque, avec seulement quelques minutes de pause entre chaque, soit six heures de cours d'affilée.


Et puis, ce matin, j'ai appris que les deux semaines qui viennent, Francis n'allait pas pouvoir assurer ses cours. Je l'ai aussitôt appellé et ai appris qu'il souffrait horriblement...


Une chanson entendue ce soir m'a plongée dans des abîmes... Il y est dit: "Nous sommes ce que l'on a perdu"... Et ce soir, je sais.


En tout les cas je sais une chose. Je ne veux pas le perdre... Je ne me suis jamais remis de la perte de la jeune soeur de ma mère en 1997. Et je ne veux pas le perdre lui... C'est souvent dans de tels moments que l'on comprend pleinement combien on peut tenir à certaines personnes...


Il est de nombreuses personnes qui ont traversé ma vie sans s'y arrêter, que j'ai perdu, que ce soit à cause de moi ou à cause d'eux, peu m'importe ce soir. Lui, cela fait quinze ans qu'il est là, quinze ans qu'il ne m'a jamais laissé tomber.


Je ne fréquente pas les églises, je ne sais pas prier, seulement m'exprimer par une écriture bien souvent maladroite, et notamment sur ce forum... Alors, je vous en prie mon Dieu, si vous entendez ce que je ressens, ce que j'éprouve, ne le laissez pas tomber, ne nous abandonnez pas... Je vous en supplie, mon Dieu, protégez mon ami...


Des gens, j'en ai connu de toutes sortes, mais lui, il fait partie de ceux qui ne m'ont jamais déçu, que j'admire, que j'estime... et qui comptent VRAIMENT pour moi.


Alors voilà, je dois vous paraître complètement stupide, débile et ridicule, mais ce soir je ressens une très grande peine mêlée d'angoisse... Et j'avais besoin de vous en faire part, puisque vous êtes ma famille virtuelle, les compagnons fidèles de ma si grande solitude, une solitude qui sera encore pire pour moi le jour où mes parents et mes proches me quitteront...


Francis.... Je pense très fort à vous cette nuit et à ma façon, par mes mots maladroits, aussi bizarre que cela puisse paraître de le faire sur un forum, j'avais besoin de prier pour vous comme je peux.

Il n'y a rien de ridicule à être inquiet pour ceux qu'on aime, Nico.

Je ne connais pas ton ami Francis, mais je te connais (enfin, un peu... du moins assez) et si tu l'estimes tant, ce doit être quelqu'un de formidable.

Courage.

je plussois sardhack

acroche toi nico

Merci à vous deux, cher Sardhack et chère éléade, pour votre soutien et votre réconfort... La maladie de mon ami m'affecte énormément... Je crois que c'est lorsque l'on a peur de perdre les gens que l'on aime que l'on réalise pleinement à quel point on tient à eux... Francis fait partie du petit nombre des gens dont je suis très proche... Le pire pour moi c'est de lui en avoir voulu lorsque il m'a déconseillé de poursuivre mes études lorsque j'ai obtenu ma maîtrise... Je sais maintenant que si il a fait cela, si il a pris cette option, c'est parce qu'il a toujours été très conscient et profondément soucieux de mes problèmes de santé. D'une part, il a eu peur que si je n'obtenais pas la meilleure mention à mon DEA, cela me fasse complètement sombrer. D'autre part, il a toujours eu le courage de déconseiller à ses étudiants préférés de pousser leurs études trop loin, car en fac de cinéma en France, il n'y a pratiquement pas de poste et que certains de ses étudiants se sont retrouvés avec des mentions "très honorables à l'unanimité avec félicitations du jury" à leur doctorat et n'ont pas pu malgré leur mention obtenir de poste...


L'important pour moi aujourd'hui est de réaliser à quel point Francis est un homme formidable et de savoir que tant qu'il sera parmi nous je ne le laisserai jamais tomber...

Cela m'aide beaucoup de pouvoir parler de lui sur ce forum, et j'espère que vous me comprenez pleinement et que vous ne m'en tenez pas rigueur... Je sais que je peux compter sur votre amitié et c'est vraiment très important pour moi...


Je m'inquiète beaucoup au sujet de mon amie eitheleen, car le dernier texte qu'elle a écrit sur son blog était très triste et que cela fait déjà plusieurs jours que elle qui écrit presque tous les jours sur son forum ne s'y est plus manifestée... Alors un petit message pour ma soeur: Tu nous manque... Donne nous de tes nouvelles... On t'aime tous ici... Très gros bisous à toi, mon eithounette, et à vous deux aussi, très chers Sardhack et éléade.

Puisque parler de lui ici te fais tu bien il ne faut pas te sentir honteux, c'est une bonne chose et c'est pas nous qui allons t'en empécher

"le coin de l'âtre, un forum qui vous veut du bien" lol

pour eith evidement qu'elle nous manque mais faut lui faire confiance, elle a toutes les capacités pour s'en sortir et elle sait qu'on la soutiens, n'est ce pas filleule adorée ?

Merci, éléadounette...



Pour eith, bien sûr qu'on lui fait confiance pour s'en sortir, mais cela n'empêche pas que l'on s'inquiète tous pour elle quand elle ne va pas bien... Pas vrai maraine ?

Cher Nicolas, que puis ajouter d'autre que ce qui a été dit ici?
il n'y a rien de plus dur que de perdre ceux qu'on aime, et en souffrir, c'est simplement être humain.
mais il ne faut jamais sombrer, justement au nom de cette personne.
une personne qui m'est chère a perdu l'homme qu'elle aimait le plus au monde, et depuis ce jour, ne vit plus que dans l'attente d'une mort prochaine... et moi je me bats a ses côtés depuis des mois pour qu'elle retrouve un peu de ce gout de vivre qui lui manque.
parce qu'une personne doit vivre et mourir, que c'est dans l'ordre des choses même si ça fait mal, même si c'est trop tot, même si on sent bien que rien n'effacera ou ne calmera la douleur.
parce qu'il ne faut pas sombrer au risque de faire sombrer la personne elle même quand elle est malade; parce que la meilleure preuve damour ou d'amitié qu'on puisse faire à quelqu'un qui perdra la vie un jour, si on lui survit, est de vivre et de le faire survivre en nous, quelque part. bon je ne vais pas aller jusqu'à préconiser le canibalisme, je vous rassure.

quand à moi oui ça m'arrive de ne pas me servir de mon ordinateur pendant 3 jours. si si. je vous jure.

joliment dit

heu sinon trois jours sans ordi ??? po possible
moi je pourrais pas en tout cas

bah fallait que je bosse, et mon Phoenix etait là. et puis j'avais ressorti l'amstrad ptdr faut pas rever quand même je reste une geekette

l'amstrad ?! kesako ?

Au fait, chère eith, avec toutes mes bêtises de cette après-midi je ne t'ai même pas remercié pour ce que tu as écrit ci-dessus concernant ce que je suis en train de vivre... Tu vois, tu me disais dans un mail que tu regrettais de ne pas pouvoir m'aider: eh bien, sois complètement rassurée à ce sujet, ce que tu m'as écrit concernant mon ami est magnifique et tu as su trouver des mots justes, simples, des mots qui m'aident et qui m'ont fait du bien...

Alors ne t'inquiète pas, tu es pour moi une merveilleuse amie, beaucoup plus qu'une simple amie, même, tu fais partie de ma famille de coeur.

Et pardonne-moi si je ne supporte rien ni personne en ce moment, si je prends tout mal et si j'interprète les choses de travers... Tu es et tu reste ma meilleure amie.

^^

(rien a dire de spécial, mon sourire parle pour moi)

(amstrad = ancêtre du PC actuel, utilisé uniquement pour les jeux)

Francis est décédé cette nuit, à quatre heures du matin.

Avec lui, je perds un ami, mon ami le plus cher, sans aucun doute mon meilleur ami.

Adieu cher maître. Je ne vous oublierai jamais.


Nicolas.

Mes condoléances, Nicolas.

Viens seulement de voir le message...
je suis de tout coeur avec toi, Nicolas.